Séminaire santé et communauté tsigane
Synthèse des journées par Alix Delage, maître de conférences des Universités
De la tradition à la sédentarisation
La première journée a permis aux participants non tsiganes d'apprendre à connaître ou d'approfondir leurs connaissances sur les Tsiganes, à travers leur histoire et leurs modes de vie en France. Monde hétérogène de citoyens français à part entière ils appartiennent à une ethnie transnationale. Très souvent travailleurs indépendants, habiles négociateurs, ils ignorent la peur du lendemain. S'ils vivent en habitat mobile ils ont, pourtant, un ancrage particulier. De même la sédentarisation n'exclut pas la culture du mouvement, du déplacement. Or pour les Européens " de base " (ou pour les habitants des régions industrialisées ?), tout ce qui est mouvement se fait remarquer et devient vite suspect. De ce fait est apparue une image péjorative induisant des réactions parfois violentes. De lieu en lieu, d'année en année, s'est renforcée une vision défavorable et une ignorance profonde partagées par les gadgés et par les tsiganes.
La communauté tsigane dans le Sud de la France
Les associations du Sud de la France, travaillant au quotidien avec les tsiganes, ont permis de mieux appréhender les besoins de la communauté. La mise en commun de leur expérience va permettre d'élaborer un cahier des charges, concernant notamment les questions de santé, de manière à proposer des solutions diverses, adaptées à chaque groupe, évoluant avec ceux-ci, dans une concertation qui tienne compte de l'environnement. La participation des tsiganes est essentielle car rien ne peut se faire sans eux. Comment travailler ensemble ? voici la question primordiale. Et l'on a bien vu lors de cette journée qu'au delà des désaccords violents qui peuvent exister entre tsiganes et gadgés, les difficultés de communication sont loin d'être irréductibles si chacun fait un effort.
En fin de journée la présentation de l'enquête européenne de Médecins du Monde a permis de mettre en perspective la situation des tsiganes français avec celle dramatique des roms de l'est de l'Europe se déplaçant à travers les Pays de l'ouest. Ces derniers sont rejetés par les gadgés comme par les tsiganes et leur situation suscite soit des réactions passionnelles soit une occultation. Une action d'envergure semble indispensable.
Santé publique et santé communautaire
La seconde journée était destinée à présenter les aspects plus techniques de prévention et de soins concernant les personnes à risque ou déjà touchées par la toxicomanie et le V.I.H.. Les Tsiganes ne restent pas passifs devant ces problèmes qui atteignent la société toute entière et ne peuvent être traités qu'en partenariat.
Ce sont toutes les drogues qui sont en cause ; celles qui sont contraires à la loi comme celles qui sont licites : tabac et alcool (bière par exemple), trop souvent admis, même chez les très jeunes, filles et garçons, dans la communauté tsigane.
Le partenariat gitan/non gitan
Un intermède musical émouvant est offert aux participants qui éclaire la prévention du sida d'un jour nouveau. D'autres gitans, jeunes ou moins jeunes, ont apporté leur contribution et leur expérience de la communication. Les femmes sont particulièrement actives et cela doit favoriser la prévention dès le plus jeune âge, ce qui est une nécessité.
La transmission du savoir technique, favorisée par l'intelligence des situations de la communauté tsigane, devrait permettre d'obtenir de bons résultats et de maintenir les acquis. Ceux-ci sont nombreux, réalisés en particulier dans les écoles ou par des expériences théâtrales. Un climat de confiance réciproque est indispensable.
Pour les personnes en danger, pour celles qui sont dépendantes des toxiques ou vivent déjà avec le V.I.H., le travail est difficile, douloureux, toujours à renouveler. Chaque effort compte pour diminuer les risques, éviter une maladie, en limiter la durée. C'est l'affaire de tous et nécessite une prise en charge familiale ou communautaire.
Le délai entre la première prise de risque et le premier dépistage, le temps perdu avant le premier traitement, ont des conséquences redoutables.
Dans le champ de la santé et les domaines qui y sont associés, il est indispensable d'acquérir une responsabilisation politique afin de ne pas être manipulé. Le goût de la liberté, le dynamisme, la solidarité de la communauté tsigane doivent permettre d'éviter les embûches d'un monde où les toxiques circulent trop facilement et entraînent des maladies sans cesse nouvelles.
Des expériences réussies en France comme dans d'autres pays d'Europe montrent que la formation de médiateurs tsiganes est une étape intermédiaire nécessaire pour mieux adapter les différents services du droit commun aux besoins des communautés tsiganes.
Ce que nous pensons
L'association migrations santé, qui existe depuis quelques trente années, a travaillé, successivement, pour différentes populations d'Afrique. Cela explique la présence, actuellement, de personnes originaires du Maghreb, parmi les bénévoles et parmi les salariés. Dans quelques années, nous y trouverons aussi des médecins, des psychologues, des sages-femmes, des travailleurs sociaux, des juristes, des documentalistes et autres, qui seront des tsiganes ; les uns seront bénévoles les autres salariés, c'est notre souhait très cher, en tout cas.
L'avenir appartient à l'Europe. Dans tous les domaines, nous devons acquérir une vision élargie ; ce n'est pas sans peine. Les tsiganes qui ont conservés la culture du déplacement, qui ne redoutent pas la mobilité, qui savent s'adapter aux situations, ont beaucoup à nous apprendre à ce sujet. La construction européenne pourrait bien être la victoire des minorités.